L’Été culturel, une édition tournée vers tous les publics

LEte-culturel-une-edition-tournee-vers-tous-les-publics

Comme chaque année depuis trois ans, l’été s’annonce culturel. Pendant les mois de juillet et d’août, des milliers d’événements sont organisés sur tout le territoire sous la houlette du ministère de la Culture dans le cadre de l’Été culturel. Cette manifestation nationale créée initialement en 2020 par le ministère pour soutenir la culture et l’emploi artistique pendant la crise sanitaire s’est mué en un dispositif pérenne fait de rencontres entre artistes, publics et territoires à travers une grande diversité de spectacles, de concerts , de visites et d’ateliers de lecture, d’écriture et de création.

Au cours des trois premières éditions, plus de trois millions de personnes ont pris part à cet événement qui vise tout particulièrement les jeunes et leurs familles. A travers ce dispositif, le ministère de la Culture a pu soutenir des actions essentielles au dynamisme artistique et culturel de zones éloignées des grandes institutions et proposer des ateliers artistiques mêlant la diffusion, la création participative et le partage. A l’aube de cette quatrième édition, nous faisons le point avec Noël Corbindélégué général à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle au ministère de la Culture.

Créé en 2020, l’Été culturel est le dernier-né des événements nationaux mais aussi le plus atypique. Comment le caractériseriez-vous ?

Noël Corbin : Entre le moment où l’on a lancé ce dispositif – au printemps 2020 – et aujourd’hui, l’Été culturel a connu une évolution substantielle. Les deux premières années, nous avons voulu accompagner la réouverture des lieux culturels en vue de faciliter, en somme, les retrouvailles entre les artistes et le public. Avec un objectif : développer la participation des habitants.

Au bout de deux ans, l’Été culturel a montré toute sa pertinence puisque les collectivités et les acteurs locaux s’en sont emparés pour proposer des expérimentations culturelles de qualité, en réalité à proximité avec les habitants. Il a su trouver sa place au plus près des territoires, aux côtés des grands festivals de l’été ou des propositions artistiques portées par les établissements nationaux.

Aujourd’hui, l’ambition de la manifestation est de marquer, pendant la période estivale, une présence durable dans des territoires où parfois il se passe culturellement peu ou pas de chose. C’est pour nous le moment de créer des « petites formes » pour aller, bien sûr, vers les habitants qui ne partent pas en vacances et ne bénéficient d’aucun équipement culturel de proximité, mais aussi, on le sait moins, pour assurer une continuité culturelle auprès de tous ceux qui le désirent. Ces « petites formes » permettent de provoquer la rencontre entre la vie sociale et le monde culturel.

groupe_posant_dans_escaliers_dans_parc
Un atelier participatif de chant choral au jardin des arômes de Nyons dans la Drôme

La question des publics, et notamment ceux dits « handicapés », est au cœur de l’Été culturel. Comment se sont-ils emparés de la manifestation ?

NC : L’an dernier, plus de 2 000 manifestations se sont déroulées dans le cadre de l’Été culturel, permettant à plus de 1,5 million de Français d’en bénéficier et à 35 000 artistes de s’exprimer, ce qui constitue un résultat encourageant. Nous en aurions autant cette année. Pour autant, cette question des publics est tout à fait essentielle à nos yeux, et notamment celle des publics dits « handicapés » : personnes placées sous main de justice, personnes malades ou dans des Ehpad… Pour eux, nous voulons développer un mode d’ intervention spécifique, qui nous conduit à nous rendre dans certains endroits peu habituels, comme dans les champs médico-sociaux ou de la protection judiciaire de la jeunesse. Par exemple, on voit, grâce au dispositif Transat des Ateliers Médicis, des résidences d’artistes en Ehpad, dans des zones rurales ou dans les quartiers prioritaires de la ville.

Notre ambition est « d’aller vers » ces publics potentiels pour le « faire venir » à des événements ou équipements culturels. Et ça marche, comme on le voit avec les Micro-Folies – plus de 350 sont ouvertes aujourd’hui – ou l’opération « C’est pas du luxe » dans le cadre du festival d’Avignon, qui met en lien des artistes et des personnes isolées ou en situation de précarité grâce à des spectacles créés avec eux.

Plus de 80 % des projets ont été conçus pour les jeunes et leurs familles…

NC : Deux données récentes, qui témoignent de la situation de précarité d’un nombre important de familles, nous ont particulièrement interpellés : d’une part, plus d’un enfant sur dix ne part pas en vacances aujourd’hui pour des raisons financières ; d’autre part, 10 % des moins de 17 ans ne partent pas en vacances au moins une semaine par an. Ou, selon nous, la pause estivale doit être un temps de respiration et d’épanouissement pour tous. C’est pourquoi, il nous est paru important d’offrir aux enfants et aux jeunes des activités artistiques et culturelles pendant les vacances scolaires au plus près de chez eux. Nous avons donc travaillé avec l’Unat (l’Union nationale des associations de tourisme et de plein air) pour proposer des résidences dans des centres de loisirs, des lieux d’accueil et des centres de vacances.

Ensuite, il y a peu de spectacles qui s’adressent au public familial, la plupart étant destinés soit aux enfants, soit aux adultes. Le ministère de la Culture s’est donc vraiment impliqué pour développer des projets intergénérationnels qui permettent de partager des expériences en famille et les activités liées à la transmission (ateliers, stages, création partagée) représentent une partie très importante de la programmation. On peut citer les actions de médiation pour la petite enfance par le Centre de promotion du livre jeunesse ou « Mes Vacances musicales », organisées par les Jeunesses musicales de France.

jeux_enfants_avec_dés
Une ludothèque municipale en plein air en région Auvergne Rhône Alpes

En quoi l’Été culturel est-il un projet solidaire qui touche tous les territoires ?

NC : La priorité est donnée aux Quartiers prioritaires de la ville (QPV) et aux zones rurales isolées, car c’est dans ces lieux, où l’offre culturelle est peu présente non seulement l’été, mais durant toute l’année, que notre effort doit porter. En 2022, 41 % des projets soutenus ont eu lieu dans les premiers et 49 % dans les seconds. Les résidences d’artistes et les manifestations soutenues doivent principalement être hors les murs, au plus près des populations.

Au ministère de la Culture, nous pouvons nous appuyer sur l’expertise extrêmement précise des directions régionales des affaires culturelles (Drac), qui vont, sur la base des critères donnés, nous permettre d’identifier les territoires et les acteurs locaux en travaillant au maillage le plus fin possible de leur périmètre. C’est donc pour nous la garantie d’une présence culturelle sur l’ensemble des territoires pendant l’été.

L’été culturel est également un temps de soutien à la création pour les artistes. Il était important pour vous de les associer à cette manifestation ?

NC : Le soutien à la vie et à l’emploi des artistes est l’un des axes importants de l’Été culturel. Lors de la réouverture des lieux culturels, nous avons constaté que les jeunes artistes étaient extrêmement fragiles, dans plusieurs domaines comme les arts visuels, la création ou l’édition. Ils ont énormément souffert de la crise et leur situation reste encore trop souvent précaire.

L’Été culturel permet d’accompagner les 37 000 étudiants de nos écoles d’art pendant leur scolarité et lors de leur insertion professionnelle. Il est également un moyen de se créer un réseau professionnel lorsque l’on débute, de créer des communautés et des collectifs. Plusieurs initiatives leur sont consacrées cet été comme par exemple « Rouvrir le monde » à l’école des Beaux-Arts de Marseille avec quarante résidences principalement dans les Bouches-du-Rhône, ou encore l’opération Jeunes ESTivants dans le Grand Est.

cirque_homme_portant_femme_avec_musiciens
Du cirque au château de Ray-sur-Saône, en région Bourogne-Franche-Comté

Ces manifestations supposées sur un temps estival plus calme permettent-elles de tester des formats plus inattendus ?

NC : L’Été culturel permet de beaucoup expérimenter, tout en restant en lien avec nos objectifs : les publics – la jeunesse, ceux qui ne partagent pas en vacances, les habitants des zones rurales ou des QPV, les jeunes artistes – restent notre priorité. La saison estivale nous permet d’innover, d’envisager des types de résidences dans les Ehpad, des hôpitaux de jour, des centres d’hébergement. Nous avons beaucoup travaillé avec les grandes fédérations de solidarité pour aller là où en général, la culture ne va pas.

Des dispositifs innovants se mettent ainsi en place, comme par exemple des projets itinérants en ruralité. En Normandie, l’ensemble Correspondances et ses dix musiciens proposeront des concerts à vélo et des découvertes d’instruments baroques avec des étapes cyclistes en immersion avec le public. On a aussi la programmation d’impromptus de Plaines d’été dans les Hauts-de-France avec de courtes formes artistiques qui permettent d’aller directement à la rencontre d’habitants dans des lieux inattendus. Enfin, Plaines santé se développe dans des établissements de soins ou qui accueillent des jeunes placés sous main de justice. J’insiste beaucoup sur ce public car, que ce soit pendant l’été ou toute l’année, je considère que la culture est un rôle fondamental à jouer. C’est un magnifique moyen de se raccrocher au monde.

L’été culturel 2022 en chiffres

1,5 million de participants en métropole et en Outre-mer
35 000 artistes mobilisés
47 opérateurs et associations nationales
• Près de 80 % des projets conçus pour les jeunes et leurs familles.
45 % des projets en zones rurales et 48 % des projets dans les Quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV)